Histoire d’écrire #23 Comment terminer son histoire ?

« Ce n’est pas du tout ce que je m’imaginais, mais ça ne pouvait pas se terminer autrement ! »

DANS LA MAISON | Bande originale composée par Philippe Rombi
Le film, plutôt sympa au demeurant

Cette phrase, peu ou proue prononcée par Fabrice Luchini dans le film de François Ozon « Dans la maison », résume, à mon goût, comment doit se terminer une histoire. Surprenante et logique à la fois. Fouillez dans vos souvenirs. Refaites-vous les films, les livres, que vous connaissez dans votre esprit. Une fin trop convenue ne vous a-t-elle pas déçue ? Une fin illogique ne fruste-t-elle pas ?

Crédible et surprenante. Crédible, car il faut que cette conclusion s’inscrive dans la même logique que le reste du livre. Que le lecteur n’ait pas l’impression qu’une poudre de perlimpinpin, ou un lapin sortit du chapeau, ne règle tous les problème posés par le livre. Surprenante, car une fois convenue apporte, certes, un sentiment de confort au lecteur, qui n’est pas en territoire inconnue mais, franchement, qui se souvient des fins franchement attendue ?

C’est donc cet équilibre qu’il faut trouver, où le déplacement de chaque paramètre va influer sur l’autre. Et, pour vous aider à trouver votre propre gravité

Et c’est cet équilibre, ô combien fragile, qu’il faut chercher à atteindre. Et pour cela, il faut éviter de nombreux écueils que je vais citer.

1)Crédible

Pour cela, il est important de prendre en compte plusieurs paramètres.

a) Résoudre les arcs narratifs.

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Rien à voir mais : bel arc, non ?

Regardez comme ces articles sont bien faits : on parlait des arcs narratifs la semaine dernière, ils ressortent aujourd’hui !

Bref, vous avez créé des tensions particulières au sein de votre histoire (où, je le rappelle, les choses sont rarement décrites sans raison). Ces tensions, il faut les résoudre.(Dis le mec qui a laissé à peu près une centaine de points de tension en suspens à la fin d’Interfeel 1). Pour chaque arc, il faut donc trouver un dénouement qui vous plaît, et sera satisfaisant pour le lecteur.

Bien sûr, il est possible de laisser des questions en suspens (Interfeeeeel). Mais il s’agira : – soit d’un projet de suite. – Soit d’un choix volontaire de l’auteur pour laisser le doute.

L’exemple cinématographique récent le plus frappant sera Inception (spoil :)). A la fin, le héros est il encore dans le rêve, ou non ? La toupie qui tourne continuera t elle indiffiniement (rêve), ou tombera-t-elle sur le côté (réalité) ? Le plan coupe, et le mystère reste entier.

Inception GIF - Find & Share on GIPHY
Fixez cette toupie 19 minutes. A la fin, vous saurez si elle tombe ou pas.

Pourquoi ça marche ? Car le réalisateur a fait le choix, assumé, de laisser durer cette tension et de ne pas la résoudre. Il ne s’est pas servi de cette facilité pour conclure de manière simpliste l’histoire.

Conclusion : résolvez les arcs narratifs. Si vous souhaitez en laisser certains en suspens, faites le de manière consciente, et pas par facilité scénaristique.

b) Connaissez la fin dès le début.

Je ne le dirai jamais assez mais : avant de commencer le début de votre histoire, connaissez la fin. Pourquoi ? Car, de manière consciente ou non, vous laisserez des indices du dénouement tout au long de votre texte. Et ainsi, même si cette fin est prenante, surprenante, déprimante, vous aurez préparé le terrain tout au long de l’histoire, et le lecteur sera peut être pris, surpris, déprimé, mais il n’aura pas le sentiment que cette fin est comme un cheveux sur la soupe, écrite avec un poil dans la main.

Cela ne veut pas dire de faire une fin convenu, attention ! Cela veut dire qu’on connait son histoire et qu’on la jalonne. Le terme à retenir, là, est « Fusil de Tchekov ». Fusil de Tchekov, kesako ? Et, laissons notre ami russe l’expliquer lui-même :

« Supprimez tout ce qui n’est pas pertinent dans l’histoire. Si dans le premier acte vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là. »

(Source : Wikipédia)

Et ce procédé est utile justement pour tromper le lecteur. Ainsi, le dénouement final ne sort pas du chapeau, mais des indices ont été placés, ça et là. Assez subtilement pour que le lecteur les oublie en cour de lecture, assez important pour que, quand arrive le dénouement final, il s’en rappelle et se dise : « Bon sang, mais c’est bien sûr ». Il s’est fait avoir, et en plus, il est content de s’être fait avoir.

c) Restez cohérents dans votre univers.

Le contraire, justement, de ce fusil de Tchekov, c’est la fin magique. On ajoute un élément extraordinaire, et tout se résoud d’un claquement de doigts.

Imaginez une histoire complexe, avec de nombreux arcs narratifs à résoudre, des situations inextricables, où le lecteur se dit « bon sang, mais comment vont ils s’en sortirent ? »

Alors l’histoire conclut par cette phrase magique :

Et en fait, c’était un rêve.

Alors oui, c’est surprenant, oui, on ne s’y attendait pas, mais bon sans, on a l’impression malsaine de s’être fait filouté. Car rien ne prédestinait justement à une telle fin, qui semble être une facilité scénaristique plus qu’autre chose. Et généralement, c’est par facilité que l’auteur utilise ce stratégème.

Exceptions notables : Les parodies peuvent allègrement briser le quatrième mur (celui, supposément, qui existe entre les lecteurs et l’histoire : comme il y a ce mur, les héros ne savent pas qu’ils sont observés. Un héros comme Deadpool brise ce mur à peu près tout le temps). L’exemple le plus typique est la fin de « Monty Python Sacré Graal », dont la fin (que je ne spoilerai pas ici) est… Surprenante !

Allez, juste le trailer, pour le plaisir des yeux.

Un autre exemple, non parodique, où la fin change complètement d’univers, c’est est « Abre los Ojos », film espagnol, dont le remake américain se nomme « Vanilla Sky ». Ici, la fin fait complètement changer le genre du film. Mais ça fonctionne (du moins, à mon avis), par une subtile utilisation du fusil de Tchekov, laissant des indices quant au dénouement dès le début du film, ce qui « prépare », même inconsciemment, le lecteur à ce changement d’univers (indices qui, déjà, se trouvent dans le titre).

En version VF, pour les non hispaniphones.

Terminer par un twist changeant d’univers n’est donc pas une interdiction formelle (de toute façon, en écriture, rien n’est interdit, et je ne donne que des conseils). Mais si vous tenez absolument à le faire, encore une fois, préparez le terrain dès le début. Disséminez des indices, en gros, préparez le lecteur à être surpris ! La phrase semble paradoxale, elle ne l’est pas.

2) Surprenante

Maintenant, comme surprendre ? Comme happer le lecteur, lui laisser une marque indélébile de votre histoire ? Par une fin marquante. Et pour cela, plusieurs conseils :

a) Évitez les clichés.

C’est rassurant, les clichés. On est en terrain connu. Mais est ce que beaucoup de films avec des fins convenus vous ont marqué ? Parmis les clichés, citons en vrac : le parcours du héros (manque de mourir, se relève, tue l’ennemi). Sacrifice du héros. Le méchant est détruit par sa propre création (SpiderMan 1, Spiderman 2, le Roi Lion, etc.)

Attention : les clichés, c’est mal, certes, mais ils peuvent être bien utilisés. Si je reprends l’exemple de Matrix par exemple, comme je l’ai dit dans un article précédent, il s’agit du parcours type du héros. Mais selon moi, ce choix est judicieux car l’univers de Matrix est en soit déjà bien complexe, et il était donc utile de donner au héros un parcour classique pour que les spectateurs ne soient pas complètement perdu. Un sacrifice final peut toujours être touchant. Tout dépend de la manière dont il est amené. Encore une fois, c’est une question de détails, de forme, et de choix.

Attention aussi : vouloir briser les clichés à tout prix peut être contreproductif. Il vaut mieux un cliché bien réussi plutôt qu’une surprise mal amenée. C’est une défaut qui arrive souvent aux jeunes écrivains : vouloir étonner, à tout prix. Sauf que dans ce cas, l’histoire devient plus un terrain d’expérimentation, plutôt qu’une véritable création émotionnelle, ce qui peut laisser sur le carreau le spectateur, au profil d’un plaisir, mettons, orgueilleux et égoïste. Et cela nous amène donc au point n°2.

b) Prenez en compte les attentes du lectorat… Et jouez avec !

Un lecteur a des attentes. Il souhaite que le héros réussisse, que le méchant perde, que la planète soit sauvée. Vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte lorsque vous écrivez : l’histoire se construit avec votre imagination, certes, mais aussi avec la vision du lecteur. Un arbre qui tombe en forêt sans que personne ne l’entende fait il du bruit ? Un livre sans lecteur est-il encore un livre ?

« Nous créons la bibliothèque d'Alexandrie du code source
Il y avait certainement d’excellents livres dans la bibliothèque d’Alexandrie. Mais personne ne les a lu. Ont ils donc encore, aujourd’hui, une valeure de livre ?

Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il faut à tout prix satisfaire les attentes du lecteur. Mais si vous voulez que le héros échoue, que le méchant gagne, que la planète soit détruite, il faut le faire avec finesse. Il faut expliquer votre intention. Si vous ne changez la fin que pour montrer que vous êtes différent, c’est bien, mais pas sûr que le livre soit apprécié à sa juste valeur. Je conseille personnellement de commencer par des histoires à la structure classique, pour vous faire la plume et, une fois que vous maitrisez les codes de la narration, vous pouvez commencer à dévier, et jouer avec votre lecteur. Le changement à outrance, pour le simple principe du changement, n’est pas souvent efficace. Si vous décidez de briser les codes, il faut déjà savoir les codes que vous cassez, et pourquoi.

c) Laissez des indices sur la fin.

Ce qui nous amène à mon conseil initial : connaissez votre histoire dès le début. Non seulement vous pourrez laisser des indices sur la fin, mais également de faux indices, pour tromper le lecteur (attention de ne pas abuser de ce procédé). Il n’y a rien de plus sublimement frustrant pour le lecteur d’avoir eu tous les indices sous les yeux, et d’être néanmoins incapable de voir le dénouement (et pas seulement pour les thrillersà ! C’est pour cela que je reviens à la phrase du début : « Une bonne fin, c’est quand le lecteur se dit : je ne m’y attendais pas du tout, mais ça ne pouvait pas se terminer autrement. » En terminant le livre histoire, le lecteur aura réalisé ses limites, et son incapacité à voir l’évidencee, pourtant présente dès le début. Et dès lors, en plus de l’émotion propre à votre histoire, il en ressortira grandit, apprenant – ce qui est paradoxale pour un livre !- à lire entre les lignes dans ses prochaines lectures !

La semaine prochaine, je ferai un focus sur la construction de mon livre Interfeel. J’expliquerai les ressors narratifs utilisés, et comme j’ai anticipé la fin de l’histoire, pour surprendre le lecteur ! J’espère que ça vous plaira !

Antonin A.

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J’espère que ce conseil d’écriture vous a plu !

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A propos Antonin Atger

Ecrivain, mon livre Interfeel est disponible aux Editions Pocket Jeunesse : https://www.lisez.com/livre-grand-format/interfeel/9782266248280
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