Histoire d’écrire #36. Écrire à quelle personne ?

Lorsqu’on commence l’écriture d’un texte, l’une des premières questions qui de pose est : à quelle personne écrit-on l’histoire ? Première personne ? Troisième personne ? Évitez de tirer à pile ou face, ce choix de personne a un impact fondamental sur le fond, et la forme, de votre histoire.

Troisième personne

Le livre à la troisième personne est le plus courant. Tout comme le temps du passé, vu dans l’article précédent, ce sera le choix par défaut pour beaucoup de livres. Cela dépend aussi beaucoup des styles et des genres. Le polar est souvent à la troisième personne (ou la troisième personne par transfert, voir plus bas), pour offrir du mystère au raisonnement du héros, et permettre des révélations éclatantes à la fin. Les thrillers tendent plus vers la première personne, comme les affectes du héros sont tout aussi important, sinon plus, que le raisonnement mathématique pour trouver le coupable.

Le choix de la troisième personne est le choix par défaut, car il est le plus facile. En effet, dans cette catégorie, trois choix sont possibles (si bien que la distinction 3ieme/1ère personne est artificielle : il faudrait plutôt faire une séparation entre quatre catégories). Voyons donc ces trois choix :

Narrateur omniscient

Dans ce cas, le narrateur prend, sans prétention, la place de Dieu. Il sait tout, les ressentis de chaque personnage. Il avance ses pions, tel un joueur d’échecs géants, dont chaque pièce serait douée de conscience.

Attention : cela ne veut pas dire qu’il faut révéler les intentions de tous les personnages. En plus de tout savoir de tout ses personnages, l’auteur peut décider d’une aridité d’information, pour une question d’équilibre narratifs, de mystère, de suspens.

Quand utiliser ce choix ? Lorsque vous voulez décrire un univers facilement, sans avoir à passer par le prisme d’un narrateur, ce choix est important (Le seigneur des Anneaux en est l’exemple type).

Enfin, l’exemple d’excellence d’omniscience se trouve, selon moi, dans « La vie, mode d’emploi », de Georges Perrec, que je recommande absolument.

La vie mode d emploi

Narrateur focalisé sur un personnage

Dans ce cas, le narrateur se focalise sur un personnage, dont on connaît toutes les émotions, et celles des autres ne sont que vu, et ressenti, à travers ce personnage principal.

Prenons un exemple que, je suis sûr, personne ne connait : Harry Potter.

Harry Potter Audiobook FULL FREE 7 books - Listen and ...
A quelques exceptions près, notamment les premiers chapitres de chaque livre, toute l’histoire est vue du point de vue d’Harry Potter, à la troisième personne.

IMPORTANT : il faut noter que ces différents choix ne sont pas hermétique. Il est tout à fait possible de passer de l’un à l’autre. Si nous reprenons l’exemple d’Harry Potter, l’histoire du premier tome commençant avant la naissance d’Harry Potter, il ne peut en être le narrateur principal. La narratrice est donc omnisciente, avant de se concentrer sur Harry Potter, dans le chapitre suivant.

Variation du narrateur focalisé :

Il est tout à fait possible de se concentrer sur plusieurs personnages, alternativement. Attention, cela ne transforme pas le narrateur en omniscient, puisqu’à chaque fois, il ne se concentre que sur un personnage. Pour rester sur l’exemple d’Harry Potter, c’est généralement le cas lors des premiers chapitres des romans, avant que l’action ne reprenne sur Harry Potter.

D’autres exemples d’alternance de narrateur sont encore plus flagrants : à chaque chapitre, nous changeons de personnage. Le Fille du Train, de Paula Hawkins, joue sur cette dualité de protagonistes.

La Fille du train

Et nous retrouvons également la trilogie de Vernon Subutex, dont j’ai parlé déjà la semaine dernière, où chaque chapitre se focalise sur un personnage différent, et sur ses propres perceptions.

345 meilleures images du tableau Livres Lus | Amour de ...
Vernon Subutex, encore.

C’est d’ailleurs aussi le cas d’Interfeel, même si beaucoup de chapitres sont tout de même centrés sur Nathan.

Narrateur externe

Cette fois, le narrateur ne se mêle de rien. Il se contente de décrire les faits, gestes et paroles des personnages. Cette démarche, qui peut sembler arride aux premiers abords, est intéressantes pour les polars, type « Dix petits nègres ».

Dix petits nègres. Agatha Christie - Decitre ...

L’intérêt de ce choix est surtout dans les polars, car il permet de préserver une part de mystère intrinsèque au personnage : même le lecteur ne peut savoir qui est le coupable, puisqu’on ne sait rien de leurs intentions.

Il est important de noter que ces trois points de vue différents ne sont pas imperméables. Très souvent, d’ailleurs, l’auteur va changer de narrateur au fil de ses envies, ce qui généralement ne pose pas de souci pour le lecteur. Rien n’empêche, par exemple, une histoire commençant par une description objective de la ville (narrateur externe), puis on remonte l’histoire de cette ville (narrateur omniscient), enfin l’histoire commence et l’on se focalise sur un seul personnage (narrateur personnel).

Cette porosité, bien avantageuse pour développer son récit, ne se rertouve pas dans la narration à la première personne que nous allons voir désormais.

A la première personne

Un texte à la première personne ressemble au narrateur personnalisé que nous avons vu plus tôt (à la troisième personne), sauf que les perceptions du héros sont intériorisé. Tout passe par le prisme de la première personne. Il est impossible de faire un écart, de devenir un narrateur omniscient le temps de quelques lignes, pour décrire ce qu’il se passe dans la pièce d’à côté. C’est donc un choix très restrictif. Pourtant, le type de narration à la première personne ne manque pas d’intérêts. Nous verrons cela la semaine prochaine.

Quelques utilisations particulières de la première personne.

La troisième personne par transfert

Le narrateur n’est que le témoin du personnage principal. En ce sens, l’histoire est un peu un mixte de première personne (car il y a un narrateur) et de troisième personne : car le personnage principal est écrit à la troisième personne.

Cela peut être utilisé pour préserver le mystère du personnage principal. C’est d’ailleurs le seul moyen : à la troisième personne, on ne pourrait que parler de lui, à la première personne, la notion de mystère disparaît.

Cela est très présent dans les livres policiers, avec bien sûr Sherlock Holmes, personnage principal des histoires, pourtant racontées par le doctor Watson.

Sherlock and John - New Season 4 Promo still | Sherlock ...
Anecdote amusante : savez vous que dans aucun livre d’Arthur Conan Doyle (le père de Sherlock Holmes), Sherlock ne dit la fameuse phrase : « Elementaire, mon cher Watson » ?

Mais plus récemment, l’amie prodigieuse d’Helena Ferrante emprune le même chemin. Même si la narratrice est importante, l’admiration qu’elle voue à son amie en fait le personnage principale, et permet d’ajouter une dose de mystère à cette femme.

L'amie prodigieuse (Tome 1) - Elena Ferrante
Je n’ai pas été sensible à cette tétralogie (que je n’ai pas finis), mais beaucoup l’ont été, alors laissez vous tenter !

Plusieurs narrateurs à la première personne

Le livre « La Horde du Contrevent » offre une autre utilisation intéressante du narrateur à la première personne : il y a autant de narrateur à la première personne que de personnages horde du contrevent : il y a autant de narrateur que de personnes (et il y en a 23). Intérêt : cette multiplicité de points de vue densifie l’univers, en y apportant 23 interprétations différentes. Problème : cette pluralité de narrateur peut être un peu confu.

La Horde du Contrevent : une BD chez Delcourt à l'automne 2017

Enfin, même si nous n’en parlerons que peu ici dans cet article, mais sachez qu’il existe également ce qu’on appelle le « narrateur incertain ». Ce qui signifie que le lecteur ne peut pas se fier au narrateur, et aux informations qu’il propose. L’exemple le plus frappant se trouve dans le livre « Le Meurtre de Roger Ackroyd », une aventure d’Hercule Poitot d’Agatha Christie. Je ne vous ferais aucune révélation supplémentaire, mais vous conseille de lire ce livre qui, oui, est écrit à la première personne, et offre une belle utilisation des informations lacunaires que peut révéler un narrateur interne !

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0b/Le_Meurtre_de_Roger_Ackroyd_d%27Agatha_Christie%2C_couverture_de_Charles_L%C3%A9andre%2C_1927.jpg

Nous avons vu aujourd’hui les différentes possibilités de narration. La semaine prochaine, nous reprendrons là où nous nous sommes arrêtés, et nous verrons les intérêts et les inconvenients de ces différentes choix narratifs !

Je vous dis donc :

To Be Continued GIFs | Tenor
« A suivre… »

Je vous dis donc :

A vendredi prochain !

Antonin A.

PS : si vous avez des suggestions d’articles, n’hésitez pas, il me reste des créneaux !


—-

J’espère que ce conseil d’écriture vous a plu !

Rappel : vous pouvez recevoir les prochains directement dans votre boîte de réception, en vous abonnant à ce blog en haut à droite de cette page (garantie sans spam ;)).

Si vous aimez ces articles, le meilleur moyen de me soutenir, c’est de le partager sur vos réseaux sociaux favoris ;).

D’ailleurs, vous pouvez me suivre :

Sur Facebook
Sur Twitter

Sur Instagram

Pour consulter les autres articles Histoire d’Ecrire, c’est par ici.
Pour en savoir plus sur mon livre Interfeel, cliquez ici !

Enfin, laissez un petit commentaire ci-dessous, sympa, curieux, peu importante ! Le plus important dans un blog, c’est le dialogue !



A propos Antonin Atger

Ecrivain, mon livre Interfeel est disponible aux Editions Pocket Jeunesse : https://www.lisez.com/livre-grand-format/interfeel/9782266248280
Cet article a été publié dans Conseils d'écriture, Histoire d'écrire. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Histoire d’écrire #36. Écrire à quelle personne ?

  1. Ping : Histoire d’écrire #37 : du bon usage du narrateur | Antonin Atger

Laisser un commentaire