Hello !
Un article un peu particulier aujourd’hui puisque durant tout le mois d’août, je vais répondre à des questions sur l’écriture que VOUS m’avez posé !
(D’ailleurs, il reste des créneaux durant l’année où je répondrais à vos questions ! Posez les donc en commentaire, ne soyez pas timides !)
Aujourd’hui, une question posez sur Instagram : à quel temps écrire ! Cette question rejoindra d’ailleurs celle de la semaine prochaine : à quelle personne écrire ?
Bref, vamos !
Mais le temps, c’est quoi ?
On ne va pas en parler philosophique ou physiquement, car à défaut d’un article, il nous faudrait trois volumes ! Le temps dans la littérature, c’est quoi ?
Celui avec lequel un va raconter l’histoire.
Les temps possibles
Le passé : le temps par excellence.

Il était une fois…
Les histoires, traditionnellement, se racontent au passé. On part du postulat que si l’on raconte l’histoire, c’est qu’elle est achevée et qu’elle est donc, par définition, passé… Et cela peu importe l’époque : les livres futuristes se racontent au passé puisque le narrature se situt après l’histoire, donc plus tard dans le futur que lorsque l’histoire futuriste à lieu… vous me suivez ?
Et donc, paraxoxalement, écrire une histoire futuriste au présent peut être surprenant.
(Par exemple, devinez à quel temps est écrit Interfeel ?)
Le passé est la norme. L’immense majorité des romans sont écrits à ce temps. On peut donc dire que c’est le temps de narration par défaut. Ainsi, ne pas écrire au passé, c’est s’écarter de la norme. Il faudra donc une bonne raison.
(Cette nuance est importante : le choix entre présent et passé n’est pas neutre, comme l’un de ces deux temps est un choix par défaut, l’autre choix implique une raison spécifique).
Les avantages d’écrire au passé.
C’est le temps « normal ».
Il ne faut pas négliger cet argument : vouloir à tout prix ne pas être dans les clous est le meilleur moyen de se planter, justement. Si le choix du temps importe peu pour vous, je préconise le passé.
Il offre un aspect mythique à l’histoire (en se réfèrent aux histoires traditionnelles).
Il offre un plus grande diversité de temps, et donc un plus grande précision :
Passé simple, passé composé, imparfait, tout cela est possible au passé. Quels sont leur équivalent au présent ? Et bien… Le présent !
Chaque temps, en français, possède sont utilité. L’imparfait traite des choses habituelles et répétitives. Le passé simple s’occupe des actions ponctuelles. Par exemple :
Chaque jour, John avalait sa pilule qui lui permettait d’oublier sa journée atroce. Ce soir, par contre, il la reposa sur la table.
Au présent, les spécificités de chaque action sont effacées au profil d’un temps uniforme :
Chaque jour, John avale sa pilule qui lui permet d’oublier sa journée atroce. Ce soir, par contre, il la repose sur la table.
Vous voyez bien avec cet exemple que écrire au présent ou au passé n’est pas un choix sans conséquence. C’est une autre manière de présenter son texte. On lui offre une autre saveur. Et voici, d’ailleurs, pourquoi écrire au présent :
A noter que l’anglais n’a pas ce problème, puisqu’il propose deux temps au présent :
I come
I am coming
Le deuxième appuyant l’idée que l’action est en train de se produire en ce moment même, que nous sommes au cours de l’action.
D’autres langues, comme le japonais, font de même, avec la forme » て » (te)
来ます
来ている
(Verbe venir au présent, sous la forme classique, et la » て » forme, dîtes progressive)
Pour le français, la traduction la plus proche serait alors : « il est en train de venir », ce qui allourdit la phrase.
Pourquoi écrire au présent ?
Nous l’avons vu, le choix du présent est généralement volontaire, et pas par défaut. Il recèle pourtant de nombreux avantages. Le premier coule de source :
Mon livre s’ancre dans le présent, dans le réel. Et le temps du réel, c’est le présent.
Pour Interfeel, je l’avoue, le choix a été assez intuitif : le passé était naturel, d’autant que j’avais l’espoir de l’inclure dans un univers plus large, dans lequel le passé offre un aspect « mythologique » à l’ensemble.
Quelles sont les conséquences du choix du présent ?
(Il s’agit d’un ressentit strictement personnel).
Le présent offre un rapport plus « brut » avec le réel. Plus cash. On n’a pas la distance narrative, on se trouve directement dans l’action, collant les personnages à la peau. Si l’on devait comparer cela à un film, je verrais une caméra collée sur les acteurs, peu de plans larges.
Ce n’est pour moi pas un hasard si Virgnie Despentes, dans ses Vernom Subutex entre autres (que je recommande), utilise le présent. Elle suit les personnages un à un, et le choix de ce temps cadre parfaitement avec son style narratif cash, droit au but. (Quelques extraits ici)

Ainsi, ce que le présent va perdre en chox de temps, il le gagne en terme d’instantanéité. Pour moi, le présent est plus rugueux, ce qui convient parfaitement au style de Despentes, et de nombreux auteurs contemporains. Si vous souhaitez offfrir ce style « brute » à votre histoire, passez au présent.
Reste une façon très particulière d’utiliser le présent dans un texte qui ne l’est pas : le présent de narration.
Présent de narration
Le présent de narration, c’est l’incursion du présent, dans un texte qui ne l’est pas. Pourquoi ? Pour, justement, et l’espace d’un moment, coller avec l’action, suivre les héros pas à pas.
Il est tentant d’utiliser ce présent. Je l’ai fait, souvent, plus jeune, et trop. Il s’agit pour moi d’un outil utile, mais à utiliser avec percimonie. Si la liberté d’expression ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, ce genre d’outil perd de sa saveur avec l’outrance.
Utiliser le passé dans un texte au présent.

Il est également possible d’utiliser le passé, pour relater un évènement antérieur. Dans ce cas, le temps le plus couremment utilisé sera le passé composé (Il a mangé), qui a la particularité, contrairement au passé simple (Il mangea), de garder comme référence temporelle le présent.
Qu’est ce à dire ? Qu’avec « il a mangé », l’action est terminée, et ancré dans le passé. Il mangea, on se trouve au moment de l’action, située dans le passé.
Et le futur, alors ?

Et bien le futur, vous conviendrez que c’est compliqué ! Il ne sera utiliser qu’à de rares occasions, soit lorsqu’un personnage prédira une action, soit quand le narrateur prédira la suite de son histoire, par créer un décalage et de nouvelles attentes chez le lecteur (le foreshadowing). De même que le présent de narration, je conseille de ne pas abuser de cet outil, car il s’agit d’un temps réellement inhabituel, et surprenant pour le lecteur. Mais l’effet de surprise, trop utilisé, devient généralement indigeste.
Voilà ! J’espère que les différentes utilisations des temps au sein d’une histoire. Comme vous le voyez, le choix n’est pas anodin. Il faut tenir compte de beaucoup de paramètres : la tonalité que vous souhaitez donné à votre histoire. Il faut également avoir conscience que le temps de référence est le passé. Le choix du présent est un choix actif. Dans tous les cas, ce choix va impacter votre texte, changer sa tonalité, sa perception aux yeux du lecteur. Réflechissez bien avant de choisir, bref… prenez votre temps !
Le mois d’août, ce sont VOS questions !
Merci à « @je.suis.un.oreiller » d’avoir posé cette question sur Instagram (d’ailleurs, suivez moi !) La semaine prochaine, nous aborderons une nouvelle question que vous m’avez posé : relater un récit à la première ou à la troisième personne, quelle différence ?
Et si VOUS avez des questions, posez les en commentaires, il reste des créneaux, fin août. Si la question m’interpèle, j’en ferait un article !
A bientôt !
Antonin A.