Parlons un peu des choses sérieuses ! Qui n’a jamais eu envie de trucider allègrement l’un de ses protagonistes, avec cette joie pervers qui sied aux psychopathes. Personne ? Vraiment ? Hypocrites ! Et bon, il vaut mieux satisfaire ces pulsions dans l’imaginaire plutôt que sur les ailes de mouche où les tauraux dans une arène (exemple au hasard).
https://twitter.com/AntoninAtger/status/1177928084290322432?s=19
IMPORTANT : je ne parlerais pas ici de la mort des méchants, qui est un procédé sommes toute assez convenue et connue. Mais vraiment de la mort des « gentils » (vive les dychotomies), ou des « neutres » (ah ! de la nuance !)
Mais tuer un personnage, déjà, ne va pas de soi. Bien tuer un personnage, c’est encore plus compliqué. Vous apprendrez donc dans cet article l’art de l’homicide imaginaire.
AVANT TOUTE CHOSE, sachez que je spoil à donf de balle dans cet article. Et pour plus de précision, voici la liste (exhaustive, je ne vous dis pas, niark niark) des oeuvres spoilés :
Star Wars, Harry Potter, Kingsman, Dragon Ball (si si), Armaggedon (bon…), Game of Thrône, Le Tombeau des Lucioles (interdiction de lire l’article si vous n’avez pas vu ce chef d’oeuvre), Casa De Papel, Breaking Bad, Hunger Games,
Petit focus sur les personnages.
Il existe plusieurs status de personnages. Je les sépares en plusieurs catégories : Les personnages principaux, secondaires, les personnages outils, les figurants, les personnages enrichissants. A NOTER que ces catégories sont ce qu’elles sont : des catégories, avec tout ce qu’il existe de porosités entre elles. Ces classifications sont des archétypes, les « vrais » personnages (curieuse tournure de phrase) empruntent généralement à plusieurs catégories, et c’est heurex.
Je vais donc rapidement expliquer ces catégories, puis comment correctement tuer les personnages qui s’y trouvent.
Les personnages principaux
Les personnages principaux sont le moteur de votre histoire. Leurs actions sont déterminantes, et sont la raison d’être de l’avancée de la trame de votre roman. En plus de cela, vous les avez humanisé au possible, par ce que vous êtes talentueux (ne soyez pas modeste). On les adore, on les déteste, ils ne laissent pas indifférents. Dans tous les cas, les tuer impliquent à changement fondamental dans votre histoire. Mais d’ailleurs :
Comment tuer un personnage principal ?
Tout d’abord, si vous y réfléchissez bien, cette mort de fin d’histoire n’est qu’une variante du cycle classique du heure, que nous avons déjà vu : dans l’avant dernière étape, le héros manque de mourir, avant de « retrouver la vie » et de revenir plus fort (Matrix, Harry Potter, etc.). Ici, le dernier acte du cycle du héros est inachevé.
Et donc, généralement, le héros mourra en ayant (plus ou moins) achevé son cycle narratif. Sans quoi, cela créé une frustration chez le lecteur (mais nous verrons qu’il y a de grandioses exceptions). Ce héros mourra aussi souvent à la fin de l’histoire puisque généralement : plus de personnage principal, plus d’histoire (sauf s’il y en a plusieurs).
Il n’empêche que ces morts sont brutales pour le spectateur. Mais les auteurs et scénaristes, malins, on trouvé pleins d’astuces pour apaiser la brutalité de cette mort. Astuces, que l’on appelle généralement clichés. Mais je rappelle qu’un cliché bien utilisé n’en ait plus forcément un.
Le sacrifice pour sauver les autres / le monde.
Autrement appelé par les scientifiques le « Bruce Willis ». Le sacrifice d’un homme, pour sauver le monde (extrêmemnt christique). Sa mort était nécessaire, sa mémoire sera honorée.

Bon, il y en a pléthor, et c’est généralement à la fin d’une saga (faut pas déconner). En vrac : Matrix 3.
Le sacrifice pour racheter ses erreurs (et occasionnellement pour sauver le monde/son équipe/etc.).
Encore une fois très christique (je dis cela sans ironie). Le rachat, le salut, par le don de soi. Un exemple ? Vous connaissez la Casa Del Papel ? Vous connaissez Dublin ?

La maladie mortelle / la mort inéluctable, rendant le sacrifice un « meilleur choix ».

Notez que ces clichés peuvent se combiner. Dublin, par exemple, était quand même un sacré salaud dans sa vie. Son sacrifice, en partie motivée par sa maladie, était aussi un acte de rachat. Et Walter White avait aussi quelques problèmes de santé, si je me souviens bien.
Important : les exemples que l’on vient de voir ne sont pas des « clichés », au sens qu’il ne faut pas les reproduites. Ce sont des paradigmes, des directions narratives récurrentes. Vous pouvez suivre ce chemin, ou non. Et si vous le suivez, vous pouvez toujours changer les paramètres. Le sacrifice du père de « La vie est belle » utilise ce même procédé. En aucun cas ce n’est cliché.
MAIS ! Voici le cliché qu’il faut éviter : la résurection !
(En gros, il ne faut pas pousser la métaphore christique trop loin) !
Je sais que les films regorgent de voyage dans le temps, de clonages, pour faire revenir vos personnages favoris ! Mais bordel, quel intérêt de trembler pour un personnage si on sait qu’il ne risque rien ! Votre histoire deviendra divertissante, mais ne sera plus prenante. C’est très différent. Et je SAIS que ce n’est pas ce que vous voulez.
Coucou, à peu près tous les Marvels, et Gamora / Nick Fury et compagnie. Je vous regarde.
Les coups de maîtres.
Et parfois, la mort du personnage principal prend tout le monde de court. Ce n’était pas attendu. Toutes les questions narratives ne sont pas résolues. Et pourtant, ma mort arrive. Ce choix est risqué. Pourtant, quand il arrive et qu’il marche… Il marque, vraiment.
Games of Thrones, la mort de Ned Stark.

Le tombeau des lucioles.

Mon conseil : éviter de faire revenir les morts trois livres plus tard. Cela enlève tout l’aspect dramatique de leur mort.
Les personnages secondaires.
Définition : les personnages secondaires ont, mettons, une âme, au sens qu’ils ne sont pas un simple outil scénaristique. Néanmoins, leur importance est relative pour l’histoire. Il peut s’agir, par exemples des parents du héros.
Les personnages secondaires sont généralement à la fois indépendants, et présents pour exposer la personnalité ou les conflits de vos héros. Ils jouent sur les deux tableaux.
Ainsi, généralement, leur mort aura pour incidence d’impacter la personnalité, ou le destin, de vos héros. Notez bien la différence avec la mort de votre personnage principale qui, elle, va impacter directement la nature même de votre histoire (voilà pourquoi cette mort des principaux apparaît généralement à la fin). La mort des secondaires nimpactent l’histoire que par ricochet, en impactant d’abord vos héros.
Comment tuer correctement un personnage secondaire ?
Je vais répondre à cette question en parlant du contraire : comment ne pas tuer correctement un personnage secondaire ?
En n’en faisant, justement, qu’un outil pour faire évoluer le personnage principale. N’oublions pas que la mort (dans une histoire, hein), est un moyen puissant d’accrocher le lecteur… MAIS pour vraiment l’accrocher au delà de la simple avancé de la trame, il faut mettre de l’émotion. Mettons que le principal s’attache à une personne (secondaire donc), que cette dernière meurt, ce qui motive le héros à partir en voyage. D’accord. Mais une mort affecte un peu plus qu’au delà d’une simple décision. Il conviendra, au delà de l’aspect « convenient » de cette mort, de détailler les affectes du héros, histoire de donner du corps et du coeur à l’histoire. Par exemple :

Et une mort de personnage secondaire ratée, à mon humble avis, se trouve ici :

A nouveau quelques clichés de personnages secondaires :
La mort du mentor, qui force le héros à grandir.
Bon, on récite la liste sans respirer ? Gandalf dans le Seigneur des Anneaux (je sais, il revient), Galahald dans Kingsman (je sais, il revient), Dumbledor dans Harry Potter (je sais… vous avez compris – tuez vraiment vos personnages, bordel !). Obi Wan Kenobi (je… j’en ai marre). Un dernier ? Krilin dans Dragon Ball ? Putain, il revient combien de fois, lui ?
Bref, en gros, un personnage secondaire ne doit pas être :
Les personnages outils
Les personnages outils sont, justement des moyens faire avancer une histoire. On se fout de savoir ce qu’ils éprouvent, ce qu’ils pensent, ce qu’ils font le dimanche matin après émerger d’une gueule de bois. Ils sont le gourdin, où la carotte, qui fait avancer le héros. Ils sont une rencontre qui motive le héros. Ils sont utiles.
Cela peut être le première meurtre d’une série, qui pousse le policier à prendre l’enquête. Ils sont le gros plein de muscle que l’action héros doit affronter pour atteindre le boss. Ils sont ce figurant qui va révéler une information déterminante au héros. Ils ne servent qu’à ça. Ce n’est pas la peine de les creuser, cela peut même être dommageable pour la cohérence de l’histoire.
Comment tuer correctement un personange outil ?
Là, franchement vous pouvez vous faire plaisir. Le but est clairement utilitaire. Si vous avez un peu d’empathie pour vos principaux et vos secondaires, eux, ce sont vos choses (oui, l’écrivain est un sadique). Ce dont il faut être certain, c’est de la cohérence entre la mort de ce personnage, et la décision du héros. Comme il n’est plus réellement question d’affection, tout est désormais une histoire de logique.
Les figurants.
Les figurants sont ceux qui doivent être là pour que l’histoire soit crédible. Votre héros se balade dans une foule, et bien, il faut qu’il y est une foule autours de lui. Dans une file d’attente, il doit se trouver des personnes entre lui et la postière qui fermera son guichet juste avant lui (taquinerie facile, je sais). Les personnages figurants dans les livres sont exactement ce que sont les figurants dans les films. Une masse, généralement anonyme, qu’il ne convient pas de trop détailler, sous peine de donner l’illusion d’un intérêt pour cette personne, qui par ailleurs n’apparaîtra plus.
Comment tuer les personnages figurants ?
Généralement par paquet de douze ! Le public s’en fout, il ne les connait pas. Méfiez vous tout de même qu’il n’y ait pas un chiot dans la masse, le lecteur est plus sensible à la mort d’un animal mignon qu’à une dizaine de personnes (c’est un autre débat, mais bon :)). Ces morts apparaissent généralement pour signaler l’ampleur d’une catastrophe (je vous laisse avec à peu près tous les films de Roland Emmercich). Ne les caractérisez pas trop ! Le lecteur risque de s’y attacher, et de ne pas comprendre leur mort !

Les personnages enrichissants.
Voilà une catégorie intéressante de personnages. Ils ne servent en rien à l’histoire. Il ne remplissent pas un stade pour les besoins de cohérence. Ils sont là, juste, pour donnerr du corps à l’histoire. Ils sont ce vieux sage qu’on croisera dans un pays inconnu, et qui vous expliquera les coutumes de ce pays. Ils sont ces personnages, dans un jeu vidéo, auxquels on peut parler pour comprendre l’univers dans lequel nous évoluons (et apprendre qu’ils ont reçus une flèche dans le genou #referencedegamer).
Mais alors, pourquoi les tuer ? Décidément, votre appétit morbide est instables ! Vous avez raison d’écrire, plutôt que de commencer une carrière politique !
Comment tuer un personnage enrichissant ?
Bref, les tuer est plutôt rare, car ils n’apportent rien à l’histoire. Mais ils peuvent néanmoins l’être, par symbole. Si ce vieux sage qui vous a parlé tout à l’heure meurt, n’est-ce pas une puissante analogie pour dire que l’on oublie le passée et les coutumes ? La mort de ces personnages est comme le rôle qu’ils ont dans l’histoire : ils épaississent le contexte.
Quelques autres clichés en vrac qu’il faut éviter :
Le mec dont on sait qu’il va mourir.
Il a une sale tête. Il la ramène trop. Un tueur en série sévit dans la ville. On ne souhaite qu’une chose, c’est qu’il fasse correctement le boulot. Pour un aspect comique, un Scary Movie, certes, mais sinon, c’est le moyen de tuer quelqu’un sans trop affecter le lecteur / spectateur. Méfiez-vous.
Le mec tellement badass qu’on sait qu’il ne va pas mourir.
Petit concept inversé : si votre héros est trop fort, on ne peut pas trembler pour lui. On ne frémit que si l’on sait qu’il peut mourir. C’est ce que Games Of Throne a superbement fait pour, je dirait, 6 saisons sur 8 (on peut en débattre).
Mais au final, pourquoi tuer des gens ? (dans les livres !!!)
Pour toutes les raisons que nous avons vu. Emouvoir. Motiver le héros. Enrichir l’univers créé de nouvelles informations. Mais surtout, pour une notion : la notion de fragilité de nos héros. Si certains peuvent mourir, ceux qui restent ne sont pas à l’abris. Alors, nos personnages perdront leur cape d’invincibilité qui semble les protéger par essence, résumé par l’adage : c’est le héros, il ne peut pas mourir. Avec l’idée de la mort rodante, plus que les morts eux-mêmes, nous humanisons nos héros. Nous ancrons nos actions dans, littéralement, le réalisme, le nôtre, cet univers où effectivement la mort nous cotoie. Intégrer la mort, c’est humaniser cet univers. C’est une manière de demander au lecteur de s’y investir.