C’est un paradoxe : une fois que l’on a fini l’histoire, on ne veut plus y toucher, quitte à rechigner à faire la (les) sempiternelles relectures. Et pourtant, quand il est temps de lui dire vraiment adieu, de le lâcher dans la nature, que dis-je, dans la jungle des éditeurs, on renacle, on rechigne, on s’accroche. Une dernière correction. Une énième relecture. Je suis sûr qu’il n’est pas parfait, qu’il mérite… Tellement mieux…
Comment, alors, lâcher son texte ?
Si c’est écrit en gros sur une photo inspirante, c’est sûrement vrai.
La métaphore du chef de chantier
Je vous présente votre chef de chantier du jour
Je ne sais plus exactement d’où me vient cette image (si quelqu’un en connaît l’origine, qu’il n’hésite pas), mais elle me paraît être la parfaite analogie à notre situation.
Voyez un chef de chantier. Il a travaillé des mois sur, justement, un chantier.
(toute ressemblance avec notre comparaison entre écrire une maison et construire un roman… Enfin, l’inverse, ou pas, serait totalement infortuite).
Bref, il a érigé des murs, fait tombé des cloisons, il a passé des mois sur son œuvre, son chef d’oeuvre. Et maintenant que tout est construit, les fondations, les murs, les canalisations, la tapisserie… Le voilà qui laisse UNE porte non peinte. Une simple finissions, qu’il pourrait terminer en une demi-heure, café compris. Pourtant, non. Tout est monté, construit, fait, et… Il laisse cette porte.
Pourquoi ? Pourquoi tenir à l’inachevé ? La réponse est désespérément simple : une fois terminée, l’oeuvre ne lui appartient plus. Il ne peut plus répondre aux critiques : j’ai pas fini, attendez de voir quand ce sera achevé. Il ne lâcher son œuvre en pleine nature. L’œuvre est irrémédiablement achevée.
On revient sur l’écrivain et l’oeuvre. J’imagine que vous avez compris la -subtile- analogie. Terminer son histoire, c’est s’en détacher. C’est accepter ses imperfections. C’est voir notre travail pour ce qu’il est, et non comment on l’espère.
Lâcher son oeuvre, c’est faire preuve d’humilité. C’est accepter qu’il n’est, et ne peux pas, être parfait.
Quoi ? Pas parfaite, mon oeuvre ??
A dire avec la même intonation qu’Ordralfabétix
Oui. La perfection n’existe pas. Tendre vers la perfection est une nécessité. Mais pour effectuer ce cheminement, cette tension, il faut accepter l’imperfection. Vu comme cela ça paraît nébuleux, donc laissez moi vous proposer une autre analogie, celle du sculpteur.
Imaginez, donc, un sculpteur, qui vient d’achever une statue. Mais avant de la livrer, il se reprend. Est-elle vraiment parfaite ? Est-ce qu’il ne devrait pas faire faire cette petite modification, ce détail, cette main, cet oeil, et creuser un peu plus, juste un peu plus.
Il le fait. Il creuser. Mais maintenant que c’est fait, est ce qu’il ne devrait pas équilibrer avec ce qu’il se trouve autours ? Ajuster, modifier, peaufiner.
Puis arrive le moment où, épuisé, il prend du recul. Et se rend compte qu’il a enlevé toute la mtière. Qu’à trop vouloir creuser, il a vider son oeuvre de sa matière première, ici la pierre.
La conclusion de cette petite histoire est très simple : le perfectionnisme peut être néfaste, et les multiples infimes modifications que l’on veut faire peuvent dénaturer le grand oeuvre. Travaillez un texte aussi achevé que possible. Mais sachez vous arrêter à temps. Acceptez le risque de l’imperfection.
Gardez l’essentiel, en peaufinant le détail.
Si si, il y a un lien. Lisez la suite.
Nous le voyons dans l’exemple précédent, le problème principale de l’hyperrelecture est qu’elle risque de dénaturer l’ensemble pour un détail peut-être anodin.
Prenons l’exemple d’un coup d’échec. Réfléchir au meilleur coup, oui. L’erreur est de trop réfléchir, se perdre en conjoncture sur 10 coups à l’avance, multiplié par le nombre de pions jouables, au final choisir une action, qui nous semble pertinente, et se faire bouffer la reine juste après. À trop se perdre dans les détails, on perd de vue l’essentiel. Il vaut mieux rendre un texte (un peu) imparfait, que trituré dans tous les sens, avec ce détail (mineur) enfin réglé mais qui, au final, dénature l’ensemble.
L’intérêt des bêtas lecteurs.
J’utilise des bétas lecteurs au fil de mes chapitres. Cette relecture en continue (que je cale sur un calendrier précis), me « force » à rendre des textes en temps et en heures, malgré le fait qu’ils me semblent inachevés (il s’agit généralement d’inquiétude non légitime). Progressivement, je me détache de mon oeuvre, ce qui me permet de voir (le plus) objectivement (possible) ses défauts, et ses qualités.
Les bêtas lecteurs aident à accepter les défauts. Et à voir ce qui apparaît vraiment comme un défaut, objectif, et non simplement un stress de votre part de devoir achever l’oeuvre. Le diable se cache dans les détails, certes, mais à trop chercher la petite bête, votre pavé finira en enfer, avec tous les autres chargés de bonnes intentions.
En conclusion
Relire pour affiner, améliorer, affûter, préciser, oui. Maintenant, reprenez tous ces verbes, et rajoutez trop devant. Vous avez votre limite. Ne pas trop retoucher. Trop modifier.
Il vous faut savoir si votre retouche est vraiment nécessaire en soi, ou si c’est un moyen (prétexte ?) de ne pas finir votre livre, et « affronter » ce qu’il se passe après. Encore une fois et comme souvent, ça dépend de vous :).
Antonin A.
—-
J’espère que ce conseil d’écriture vous a plu !
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Histoire d’écrire #48 Savoir s’arrêter à temps
C’est un paradoxe : une fois que l’on a fini l’histoire, on ne veut plus y toucher, quitte à rechigner à faire la (les) sempiternelles relectures. Et pourtant, quand il est temps de lui dire vraiment adieu, de le lâcher dans la nature, que dis-je, dans la jungle des éditeurs, on renacle, on rechigne, on s’accroche. Une dernière correction. Une énième relecture. Je suis sûr qu’il n’est pas parfait, qu’il mérite… Tellement mieux…
Comment, alors, lâcher son texte ?
La métaphore du chef de chantier
Je ne sais plus exactement d’où me vient cette image (si quelqu’un en connaît l’origine, qu’il n’hésite pas), mais elle me paraît être la parfaite analogie à notre situation.
Voyez un chef de chantier. Il a travaillé des mois sur, justement, un chantier.
(toute ressemblance avec notre comparaison entre écrire une maison et construire un roman… Enfin, l’inverse, ou pas, serait totalement infortuite).
Bref, il a érigé des murs, fait tombé des cloisons, il a passé des mois sur son œuvre, son chef d’oeuvre. Et maintenant que tout est construit, les fondations, les murs, les canalisations, la tapisserie… Le voilà qui laisse UNE porte non peinte. Une simple finissions, qu’il pourrait terminer en une demi-heure, café compris. Pourtant, non. Tout est monté, construit, fait, et… Il laisse cette porte.
Pourquoi ? Pourquoi tenir à l’inachevé ? La réponse est désespérément simple : une fois terminée, l’oeuvre ne lui appartient plus. Il ne peut plus répondre aux critiques : j’ai pas fini, attendez de voir quand ce sera achevé. Il ne lâcher son œuvre en pleine nature. L’œuvre est irrémédiablement achevée.
On revient sur l’écrivain et l’oeuvre. J’imagine que vous avez compris la -subtile- analogie. Terminer son histoire, c’est s’en détacher. C’est accepter ses imperfections. C’est voir notre travail pour ce qu’il est, et non comment on l’espère.
Lâcher son oeuvre, c’est faire preuve d’humilité. C’est accepter qu’il n’est, et ne peux pas, être parfait.
Quoi ? Pas parfaite, mon oeuvre ??
Oui. La perfection n’existe pas. Tendre vers la perfection est une nécessité. Mais pour effectuer ce cheminement, cette tension, il faut accepter l’imperfection. Vu comme cela ça paraît nébuleux, donc laissez moi vous proposer une autre analogie, celle du sculpteur.
Imaginez, donc, un sculpteur, qui vient d’achever une statue. Mais avant de la livrer, il se reprend. Est-elle vraiment parfaite ? Est-ce qu’il ne devrait pas faire faire cette petite modification, ce détail, cette main, cet oeil, et creuser un peu plus, juste un peu plus.
Il le fait. Il creuser. Mais maintenant que c’est fait, est ce qu’il ne devrait pas équilibrer avec ce qu’il se trouve autours ? Ajuster, modifier, peaufiner.
Puis arrive le moment où, épuisé, il prend du recul. Et se rend compte qu’il a enlevé toute la mtière. Qu’à trop vouloir creuser, il a vider son oeuvre de sa matière première, ici la pierre.
La conclusion de cette petite histoire est très simple : le perfectionnisme peut être néfaste, et les multiples infimes modifications que l’on veut faire peuvent dénaturer le grand oeuvre. Travaillez un texte aussi achevé que possible. Mais sachez vous arrêter à temps. Acceptez le risque de l’imperfection.
Gardez l’essentiel, en peaufinant le détail.
Nous le voyons dans l’exemple précédent, le problème principale de l’hyperrelecture est qu’elle risque de dénaturer l’ensemble pour un détail peut-être anodin.
Prenons l’exemple d’un coup d’échec. Réfléchir au meilleur coup, oui. L’erreur est de trop réfléchir, se perdre en conjoncture sur 10 coups à l’avance, multiplié par le nombre de pions jouables, au final choisir une action, qui nous semble pertinente, et se faire bouffer la reine juste après. À trop se perdre dans les détails, on perd de vue l’essentiel. Il vaut mieux rendre un texte (un peu) imparfait, que trituré dans tous les sens, avec ce détail (mineur) enfin réglé mais qui, au final, dénature l’ensemble.
L’intérêt des bêtas lecteurs.
J’utilise des bétas lecteurs au fil de mes chapitres. Cette relecture en continue (que je cale sur un calendrier précis), me « force » à rendre des textes en temps et en heures, malgré le fait qu’ils me semblent inachevés (il s’agit généralement d’inquiétude non légitime). Progressivement, je me détache de mon oeuvre, ce qui me permet de voir (le plus) objectivement (possible) ses défauts, et ses qualités.
Les bêtas lecteurs aident à accepter les défauts. Et à voir ce qui apparaît vraiment comme un défaut, objectif, et non simplement un stress de votre part de devoir achever l’oeuvre. Le diable se cache dans les détails, certes, mais à trop chercher la petite bête, votre pavé finira en enfer, avec tous les autres chargés de bonnes intentions.
En conclusion
Relire pour affiner, améliorer, affûter, préciser, oui. Maintenant, reprenez tous ces verbes, et rajoutez trop devant. Vous avez votre limite. Ne pas trop retoucher. Trop modifier.
Il vous faut savoir si votre retouche est vraiment nécessaire en soi, ou si c’est un moyen (prétexte ?) de ne pas finir votre livre, et « affronter » ce qu’il se passe après. Encore une fois et comme souvent, ça dépend de vous :).
Antonin A.
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